Archives mensuelles : juin 2019

Fatigue, mon amie…

Chère Toi,

J’accompagne la Vie depuis la première amibe…oui, Elle à toujours eu besoin de moi pour respecter les rythmes et se recharger.

Je te faisais déjà dormir dans le ventre de ta mère, et plut tard je t’endormais au-dessus de ton assiette, en plein milieu d’un jeu, sur les marches d’escalier et surtout en voiture. Tu n’avais pas encore appris à me combattre. Parfois, le passage de l’éveil au sommeil n’était pas facile car tes deux systèmes nerveux n’étaient pas encore bien accordés. Alors je te faisais chigner, pleurer et même crier jusqu’à ce que tu sois capable de lâcher-prise et de t’abandonner à moi.

Je t’ai permis de grandir, d’assimiler ta nourriture, de donner un moment d’oubli loin de tes peines.

Tu m’as chercher bien des nuits quand ton hamster dans ta tête n’arrivait plus à arrêter de tourner.

Je t’ai prévenu des tes excès, j’ai annoncé tes règles, j’ai permis à tes muscles de se réparer et à ton corps de se reconstruire.

Depuis des années je t’envoie mes signaux. Mais tu ne m’écoutes guère. Tu prends un café à la place…ou pire, une boisson énergisante. Tu te forces au gym espérant que je disparaisse sur le tapis roulant. Tu prends religieusement tes suppléments, tu surveilles ton alimentation (est-ce que manger est devenu une prison au point tel qu’il faille la surveiller?) et pourtant je suis encore là.

Tu as oubliée que je suis ton amie. Que j’ai à coeur que tu vives le plus longtemps possible sans maladie. QUe je suis un message de ton corps qui, par moi, essaye de te dire que tu as besoin d’arrêter ta course folle; que tu as besoin de respirer; te foutre la paix mentalement; que ton corps est en train de aire quelque chose (comme te réparer) qui lui demande de la tranquillité.

Mais tu ne me fais plus confiance; tu m’écoutes de moins en moins; tu me repousses.

Mais je suis tellement vitale à la vie, que je ne peux que t’attendre au détour, avec , peut-être une manifestation plus incontournable encore: une maladie, un accident, une dépression qui t’empêchera de sortir du lit aussi longtemps que je n’aurai pas fini mon oeuvre.

Épargnes-toi cela. Fermes tes yeux quelques minutes les après-midi, même simplement sur ton bureau. Couches-toi quand tu me sens là, le soir. Apprends à ne « rien » faire afin que je puisse faire tout ce que j’ai à faire pour entretenir ta santé. Apprécies ma présence comme on retrouve un bon vieux chandail confortable. Reconnais-moi comme la preuve que tu as suffisamment accompli aujourd’hui et je serai alors satisfaction, engourdissement délicieux, paresse délectable. Fais la grasse matinée; contemple le vent dans les feuilles, la pluie sur le balcon. Si tu as l’impression que je te suis comme une ombre, tu n’as pas tort.Car je suis la nuit qui habite tous les rythmes de la vie. Si tu me trouves « trop » c’est que tu ne me donnes pas la place dont j’ai besoin. Respectes ma présence et tu verras que je n’occuperai que la place nécessaire car je ne connais pas l’excès.

Car je suis Fatigue, ton amie.

(Crédit photo: pinterest.fr)

Fatiguée, mon amie?

Quand on sonde les gens, leur plainte numéro 1 est la fatigue, le manque d’énergie ou d’entrain, les humeurs fluctuantes ou maussades. Même les enfants sont fatigués, et je ne vous parle pas de bien des personnes âgées, parfois pas si âgées que ça!

Qu’est-ce que cela dit de notre société? De notre façon de gérer le stress? Le travail? L’école? De la qualité de notre alimentation? De nos relations?

Marc David disait souvent que nos symptômes sont des messages divins…oh fatigue divine, qu’as-tu à me dire?

Chère Fatigue,

Je me lève le matin avec l’impression que la nuit est passée trop vite et j’ai même parfois la sensation que le sommeil profond m’ a oublié. J’imagine que le marchand de sable est, lui aussi, fatigué.

Je me traîne jusqu’à ma douche, mon café, mon smoothie, mais tu m’accompagnes encore.

Je te retrouve dans l’auto, alors que mes ados dorment  quelques minutes avant d’arriver à l’école…et ils feront pareils au retour, me faisant rêver d’avoir, moi aussi, une chauffeuse de « taxi » pour voler quelques instants au quotidien en fermant le yeux.

Je ne te parle pas de mon sentiment de lourdeur après le repas du midi, ni celui qui m’envahit vers 15h30.

Tu sais très bien trouver ton chemin dans mes multiples engagements hors-travail, extra-scolaire et mes non-soirées amoureuses où mes yeux cherchent bien plus mon lit que mon partenaire.

Et pourtant, voilà que l’endormissement m’échappe au creux de mon oreiller alors que mon hamster tourne furieusement dans sa roue en m’invectivant de tous les « il faut que, il faut pas oublier de, tu aurais dû, tu n’aurais pas dû  » qu’il peut trouver, et même inventer parfois.

Tu me tiens la main à l’aube quand pourtant j’aurai pu dormir un peu plus longtemps, mais que je n’y suis pas parvenue.

Je hais ta compagnie quand j’essaie de bouger un peu, quand j’imagine faire un bon repas mais que les courses ne sont pas faites…

Quand ma séance de méditation se transforme en ronflement.

Quand je fantasme de devenir cocaïnomane juste pour ne plus te sentir.

Quand je n’ai plus aucun souvenir du dernier moment ou mes pas légers sautillaient de légèreté face à une nouvelle journée remplie de promesse.

J’aimerais bien  me débarrasser de toi au lieu de faire semblant que tu n’es pas là.

Je n’arrive pas à te trouver douce, opportune ou sensée…mais bon.

Aujourd’hui, je prête l’oreille, à défaut d’oreiller, à tes revendications.

Fatigue, qu-as-tu à me dire?

(vous pourrez lire la réponse de Fatigue, dans mon prochain article)

Perdues dans les petits objectifs

Perdre 10, 20 ou 30 livres. Les prendre. Arriver à courir 20 km, à soulever 200 livres. Rentrer dans mon maillot de bain  l’été prochain. Arrêter le sucre (ou autre chose). Devenir végane (ou autre chose)…nos objectifs sont-ils trop petits?

Il est si facile de se laisser tenter et entraîner par de petits buts, des petits pas, qui, au final, ne parle pas de nos faims les plus profondes, de nos soifs les plus importantes: être nous-mêmes, aimer, être capable d’avoir des relations nourrissantes, de vivre une intimité sexuelle satisfaisante, sentir qu’il y a un sens à notre existence.

En réduisant la valeur de notre vies à des chiffres sur une balance, à une forme sous des vêtements, à un nombre de calories ingérées par jour, à notre capacité à nous priver, ce n’est pas la vie que nous nourrissons en nous.

En nous laissant définir par des annonces publicitaires montrant ce corps que nous n’aurons jamais, que nous avons peut-être eu à 15 ans, qui ne peut être attirant que selon un seul modèle, nous entrons dans une spirale sans fin d’insatisfaction permanente et de jugement délétère.

Bien malgré nous, parce que conditionnées et infectées par le virus ambiant, nous critiquons intérieurement ou ouvertement notre corps et celui des autres. Nous avons peut-être secrètement honte que notre fils nous présente sa nouvelle flamme bien en chair, que notre fille développe trop de courbes , de hanches ou de double menton…ou qu’elle tombe amoureuse de quelqu’un.e avec un trop gros tour de taille.

Même en faisant attention, nous nous rendons compte que nous jugeons négativement tout écart au standard…qu’une petite voix fatigante nous susurre que quand même « elle » (ou nous), pourrait se prendre un peu plus en main, avoir plus de respect d’elle-même, devrait arrêter de se « laisser aller ».

Il n’est pas juste que notre poids soit mis sur la même balance que notre coeur.

Il est temps pour nous de nous guérir et de nous immuniser contre ce virus qui fait de l’image corporelle le garant de la santé, de la moralité, de la valeur, de l’intelligence, des capacités d’une personne.

Il est temps de nous redonner la permission de bouger pour le plaisir, pas pour atteindre le corps de notre prof de Yoga, ou de notre entraîneur sportif…

De sortir de la honte que nous ressentons trop souvent de ne pas paraître comme il faut.

D’arrêter d’avoir peur de l’image que nous renvoie le miroir de la salle d’essayage.

De retrouver, en nous, cette sensation de révérence pour la vie, pour notre vie et donc pour ce corps qui est notre vaisseau spatiale, unique et spécial, pour manifester cette vie, sur cette terre.

Merci, mon corps, quelque soit ta forme, ta santé , ta force, ton âge…sans toi, il n’y a pas de moi possible.

Quand la nourriture fait honte…

Nous avons vu précédemment comment la nourriture est associée à bien des émotions qui ne sont pas si nutritives. (voir l’article: nourriture-récompense…). Dans la même veine nous explorons aujourd’hui la honte et l’humiliation associées à notre assiette.

Quand nous écrivons notre biographie alimentaire, c’est-à-dire notre histoire de vie autour de la table, nous trouvons des éléments qui peuvent parfois démontrer l’origine de certains de nos désordres alimentaires.

Comme cette enfant qui devait manger dans le couloir pour finir son assiette afin que les voisins qui passent voient bien à quel point elle était difficile.

Comme ce garçon qui mangeait toujours au comptoir alors que la famille mangeait à la table.

Ces enfants que l’on laisse des heures devant une assiette froide jusqu’à ce qu’elles aient tout terminé.

Ces multiples regards et soupirs qui regardent le dessert de l’enfant qu’on dit « boulotte ».

Cet enfant qui recevait sur la tête le reste de l’assiette qu’il ne voulait plus manger.

Les rires et les moqueries à propos de l’assiette de celle-ci qui aime trier sa nourriture dans l’assiette et faire des petits tas…de celui qui se lève en cours de repas pour aller laver ses mains une deuxième ou troisième fois car il n’aime pas quand ses mains sont collantes ou salies…de celle qui mage lentement, ou trop vite…de celui qui a peur d’essayer de nouveaux plats…

Ces silences terribles où les enfants n’ont pas le droit de parole…ou bien ces tables où l’on « règle les comptes » en famille.

Nous pouvons vivre tant d’humiliations « ordinaires’ autour d’une table…dans un contexte dit ‘normal’ où l’on croit faire une éducation mais où, en réalité, le message qui passe est que l’enfant n’est pas correcte et elle ne comprend pas pourquoi. Elle sait juste qu’elle devrait avoir honte et cette honte devient associée au repas, à la table, à l’assiette, à l’idée de la convivialité, de la famille.

Alors certaines personnes ne veulent plus manger avec d’autres ou bien ont une double vie alimentaire: ce qu’elles mangent en public et ce qu’elles n’osent manger qu’en privé.

D’autres ne s’assoient plus jamais à table, préférant manger debout , en voiture, au comptoir devant leur ordi…tout ça pour ne pas revivre intérieurement le stress dont leur corps se souvient et qui est lié aux repas.

En tant qu’adultes, nous avons une histoire alimentaire à mettre en conscience, à guérir et à ne pas reproduire.  Car nous ne mangeons pas que la nourriture sur la table, nous mangeons aussi tout ce qui s’y passe autour.

Que le repas redevienne le lieu du partage, de la joie, des rires et de la détente, de l’accueil et du respect de cette table qui nourrit la vie en nous avec bien plus que des nutriments et des calories.