Nous avons vu précédemment comment la nourriture est associée à bien des émotions qui ne sont pas si nutritives. (voir l’article: nourriture-récompense…). Dans la même veine nous explorons aujourd’hui la honte et l’humiliation associées à notre assiette.
Quand nous écrivons notre biographie alimentaire, c’est-à-dire notre histoire de vie autour de la table, nous trouvons des éléments qui peuvent parfois démontrer l’origine de certains de nos désordres alimentaires.
Comme cette enfant qui devait manger dans le couloir pour finir son assiette afin que les voisins qui passent voient bien à quel point elle était difficile.
Comme ce garçon qui mangeait toujours au comptoir alors que la famille mangeait à la table.
Ces enfants que l’on laisse des heures devant une assiette froide jusqu’à ce qu’elles aient tout terminé.
Ces multiples regards et soupirs qui regardent le dessert de l’enfant qu’on dit « boulotte ».
Cet enfant qui recevait sur la tête le reste de l’assiette qu’il ne voulait plus manger.
Les rires et les moqueries à propos de l’assiette de celle-ci qui aime trier sa nourriture dans l’assiette et faire des petits tas…de celui qui se lève en cours de repas pour aller laver ses mains une deuxième ou troisième fois car il n’aime pas quand ses mains sont collantes ou salies…de celle qui mage lentement, ou trop vite…de celui qui a peur d’essayer de nouveaux plats…
Ces silences terribles où les enfants n’ont pas le droit de parole…ou bien ces tables où l’on « règle les comptes » en famille.
Nous pouvons vivre tant d’humiliations « ordinaires’ autour d’une table…dans un contexte dit ‘normal’ où l’on croit faire une éducation mais où, en réalité, le message qui passe est que l’enfant n’est pas correcte et elle ne comprend pas pourquoi. Elle sait juste qu’elle devrait avoir honte et cette honte devient associée au repas, à la table, à l’assiette, à l’idée de la convivialité, de la famille.
Alors certaines personnes ne veulent plus manger avec d’autres ou bien ont une double vie alimentaire: ce qu’elles mangent en public et ce qu’elles n’osent manger qu’en privé.
D’autres ne s’assoient plus jamais à table, préférant manger debout , en voiture, au comptoir devant leur ordi…tout ça pour ne pas revivre intérieurement le stress dont leur corps se souvient et qui est lié aux repas.
En tant qu’adultes, nous avons une histoire alimentaire à mettre en conscience, à guérir et à ne pas reproduire. Car nous ne mangeons pas que la nourriture sur la table, nous mangeons aussi tout ce qui s’y passe autour.
Que le repas redevienne le lieu du partage, de la joie, des rires et de la détente, de l’accueil et du respect de cette table qui nourrit la vie en nous avec bien plus que des nutriments et des calories.