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Poids, Préjudices et Préjugés

La vénus de Malte

« Les grosses sont paresseuses et se laissent aller » « Si on est gros, c’est qu’on le veut bien et qu’on ne veut pas faire d’effort » »Regarde-là comme elle est maigre, elle doit être anorexique! » »C’est évident, les grosses mangent trop » »Pour maigrir c’est facile, un peu de volonté, moins manger et bouger plus »

Avouons-le , notre société a un problème avec le poids. Quelques de décennies de rabâchage sur les dangers du gras et de l’obésité ( qui se révèlent soit exagérés, soit faux) , de modèles de beauté qui maigrissent sans cesse au point qu’il faille une loi en France pour interdire qu’elles soient plus maigres, une méconnaissance, même chez les médecins, des mécanismes physiologiques entourant le prise, le maintien, ou la perte de poids, et nous voilà dans de beaux draps.

Nous ne sommes pas des machines qui rentrent des calories comme une voiture de l’essence. Ce n’est donc pas en mangeant moins et en bougeant plus que vont régler les problèmes de surpoids. Si tant que cela soit un problème réel.

L’équation est d’autant plus séduisante qu’elle nous semble logique et que bien des compagnies font des milliards de dollars à entretenir le mythe du contrôle tout en glorifiant la minceur. Alors nos yeux sont conditionnés à trouver plus beau un corps filiforme chez les femmes un corps bien découpé et avec du volume chez les hommes.

À n’importe quel prix.

Alors on se restreint, on se met en état de famine et de malnutrition, on passe des heures dans un gym, on se fait agrafer l’estomac…pour se retrouver au même point et même pire.

Quelque soit la diète utilisée, dans les meilleures études, 96% des participants ont reprit leur poids au bout de deux ans, et même un peu plus. Même dans les chirurgies bariatriques…qu’on se le dise, les diètes NE FONCTIONNENT PAS!

Demandez à une maigre de grossir et vous verrez que ça n’est pas plus facile.

Regardez ce que des hommes sont prêt à prendre comme stéroïdes, un danger pour leur santé, pour prendre du volume…volume qui dégonfle de manière pas très jolie quand ils arrêtent l’entraînement et qui les mets à risque de problèmes cardiaques, entres autres.

Pouvez-vous imaginer une femme entrant dans un cabinet de médecin et se faire dire: « Madame vous devez perdre 4 centimètres, vous êtes trop grande, c’est dangereux pour votre santé » ? On va faire quoi? Lui couper les pieds ou la tête? Pourtant nombre de femmes se font dire par leur médecin que les problèmes pour lesquels elles consultent sont dus à leurs surpoids, même quand cela n’a aucun lien! Au point que des femmes en surpoids n’osent plus aller voir le médecin pour ne pas avoir à subir ce jugement. Ce qui fait qu’elles sont plus à risques de diagnostics tardifs, de complications ou de mauvais soins.

Les mécanismes qui gèrent la prise de poids sont des mécanismes aussi complexes et inconscients que ceux qui gèrent votre taille…Les hormones qui gèrent la faim et la satiété, celles qui gèrent la métabolisation du sucre et des gras, celles qui sont influencées par le stress, par les diètes précédentes, l’environnement, l’âge…l’hypothalamus, la thyroïde, les surrénales…c’est un ensemble complexe de réactions chimiques adossé à des génétiques qui favorisent la prise de poids et rendent difficile sa perte.

Cela veut aussi dire que vous n’avez pas le contrôle que vous croyez avoir sur votre poids. Demandez à ces personnes qui ont naturellement un « poids-santé » comment elles font. Elles n’en font pas plus que les autres! La seule différence c’est que si elles mangent un peu trop, elles auront tout aussi naturellement plus envie de bouger; ou elles auront plus chaud pendant quelques heures et voilà! Le surplus calorique sera parti. Car c’est leur métabolisme qui décide de ce qu’il fait avec ce qu’on lui donne.

« Notre gras est le premier trésor de l’humanité » disait le Dr Claude Sabbah. Grâce à lui nous avons survécu aux famines, aux manques, aux grossesses…

Et voilà qu’aujourd’hui on le vilipende, on le combat, on le juge inesthétique et on le considère comme le témoin de la faillite de certaines personnes qui ne veulent pas assez maigrir. On affirme qu’il est préjudiciable pour la santé alors que la science se résigne en fin à l’infirmer après de grandes études sur des milliers de personnes et sur plusieurs années. En réalité perdre et regagner du poids est plus préjudiciable pour notre santé que de simplement rester obèse. Choquant n’est-ce pas? Contraire à nos perceptions et aux affirmations clamées haut et fort un peu partout.

Les préjugés sur le gras, sur le poids,sont un mal silencieux mais envahissant. Il détruit à petit feu bien des personnes qui vivent une haine d’elles-mêmes insoupçonnée. Il participe à la discrimination en écartant les personnes en surpoids de bien des emplois, bien des promotions, bien des relations, biens des représentations positives. Il encourage le jugement par les pairs sur quelque chose qui n’est pas réellement sous le contrôle des personnes affectées. Comme quand on dit que les pauvres sont paresseux ou que les itinérants sont dans la rue par leur faute.

Cela dédouane notre société qui peux continuer à regarder ailleurs et couper dans les services. Ou faire passer pour une faille personnelle un problème bien plus grand.

C’est le même genre de discrimination que celles basées sur la couleur de la peau ou l’orientation sexuelle. Dans certains endroits du monde on vend des crèmes pour blanchir la peau; dans d’autres on affirme qu’on peut « guérir » l’homosexualité…

La vérité, c’est que cela ne fonctionne pas. Si un médicament ne fonctionnait que sur 4% des cas, on aurait tôt fait, j’espère, d’essayer autre chose.

Alors sortons de notre folie collective; éloignons-nous des dogmes concernant le poids; visons la santé plutôt que l’apparence; rééduquons nos yeux et notre bouche; lâchons nos jugements internes et externes. Dressons-nous contre les diktats maladisants d’une société basée sur la compétition et la comparaison. N’ayons plus peur de nos poignées d’amours, de nos rouleaux, de cette chair qui rebondit quand on bouge. Ne nous empêchons pas d’enfourcher une bicyclette, de mettre un maillot de bain ou d’aller à un cours de Yoga parce que nous n’avons pas le corps « comme il faut ».

Réjouissons-nous d’avoir un corps; aimons-le pour tout ce qu’il nous permet de faire. Il y a tant à célébrer!

S’aimer telle quelle devient un acte révolutionnaire.

Et non, cela n’équivaut pas à se résigner, se laisser aller et ça ne risque pas d’augmenter le problème. C’est simplement que détester sa main gauche et vouloir qu’elle disparaisse serait signe d’une maladie mentale. Pourtant on semble trouver tout à fait normal de dire et de désirer ça à propos de notre gras de ventre, de fesse, de notre petit truc mollasson sous nos bras…

Réjouissons-nous d’avoir la vie, quelle que soit la forme qu’Elle prend.

 

(SI vous voulez des références d’articles scientifiques sur le fait que les diètes ne fonctionnent pas, que le surpoids n’est pas un facteur de risque- sauf dans peut-être 2 maladies-, que le surpoids protège de bien des maladies et semblent même rallonger quelque peu l’espérance de vie…je vous suggère le livre de Linda Bacon: Health at Every Size. Une mine d’or.)